Le Botswana attend l'épilogue du procès-fleuve des Bushmen du Kalahari
La justice botswanaise se prononce mercredi sur un recours intenté par quelque 200 Bushmen, descendants des premiers habitants d'Afrique australe, qui réclament le droit de vivre sur leurs terres ancestrales, dans la Réserve centrale du Kalahari (CKGR).
Entamé il y a plus de deux ans, ce procès est l'un des plus longs de l'histoire judiciaire du Botswana, pays semi-désertique de moins de deux millions d'habitants, considéré comme un "élève modèle" pour sa stabilité politique et la gestion prudente de ses immenses ressources diamantifères.
Preuve de la dimension passionnelle de cette affaire, la Haute cour de Lobatse a autorisé, pour la première fois dans l'histoire de ce pays d'Afrique australe, la retransmission du jugement en direct à la télévision nationale.
Les bushmen, qui sont aujourd'hui environ 100.000, se répartissent pour l'essentiel entre le Botswana et le Namibie.
Le contentieux porte sur une décision du gouvernement botswanais d'interrompre la fourniture d'eau, de nourriture et de services sanitaires aux Bushmen du Kalahari et de les regrouper à l'extérieur de la réserve.
L'organisation de soutien aux peuples indigènes, Survival International (SI), basée à Londres, qui soutient l'action judiciaire, affirme que ces expulsions sont liées à l'exploitation future de diamants dans cette zone.
Mais le gouvernement argue que l'actuel mode de vie "d'agriculteurs sédentaires" des Bushmen, autrefois fondé sur la cueillette et la chasse à l'arc, est devenu incompatible avec la protection de l'environnement et de la vie sauvage dans le Kalahari.
Il a mis en place, depuis la fin des années 90, un programme de relocalisation, moyennant compensation en argent et en bétail.
Le dossier a récemment pris une dimension politique, le Front national du Botswana (BNF), ayant pris position en faveur des Bushmen.
"Le coeur du problème est l'oppression et l'exploitation des Basarwa (Bushmen du Botswana) perpétrée par le parti au pouvoir", estime Elmon Tafa, porte-parole du parti.
"Si le gouvernement abhorre véritablement ce qu'il considère comme une ingérence de Survival International dans les affaires intérieures du pays, alors ils doivent mettre fin à l'oppression des Basarwa", ajoute-t-il.
Le Parti démocratique du Botswana (BDP) du président Festus Mogae, est au pouvoir depuis l'indépendance de ce pays, il y a 40 ans.
Début novembre, l'ancien archevêque du Cap, Desmond Tutu, a joint sa voix au débat, estimant que le gouvernement devait écouter leurs revendications.
"Si le progrès est nécessaire, il n'est pas concevable que la seule façon d'y parvenir soit de retirer les San (bushmen) de leurs terres ancestrales et de leur retirer leurs traditions", a déclaré le prix Nobel de la Paix.
Etant donné le climat passionnel qui entoure ce dossier depuis le début de la procédure, il est peu probable que le jugement de mercredi, quel qu'il soit, mette un terme définitif à la polémique.
Survival a déjà averti qu'il entendait continuer à travailler sur le terrain "tant que les Bushmen se verront refuser l'accès à leurs terres".
De son côté, Clifford Maribe, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a réaffirmé que "par principe, le gouvernement, n'abdiquerait jamais devant la propagande malveillante et odieuse de Survival International".
- 10 Décembre 2006 à 13:20 dans
- Actualité (Français)